vendredi 29 avril 2011

Ro – oua : du sifflement jusqu’au dernier souffle !

Odile Sankara dans Ro-Oua en représentation au CCFN Jean Rouch de Niamey


Un décor simple. Un personnage de bleu peint, seul au milieu d’un espace jonché de noix de doum. Un silence de cimetière d’un public attentif, assoiffé de mots fluides qui sortent des profondeurs de la comédienne qui incarne à la fois Ro-oua et le narrateur. Pendant 35 minutes, Odile Sankara raconte l’histoire d’un héros mystique qui émerveille par son ‘’sifflement’’ non pas parce qu’il siffle mieux que les autres- car tout le monde siffle- mais parce que son sifflement est différent, magique

En fait, dans cette histoire tirée d’une nouvelle de Kafka ‘’Joséphine, la cantatrice ou le peuple des souris ‘’, on évoque le rapport qui existe entre l’artiste et sa société, l’artiste et le politique. Ce texte, d’une intense fluidité, d’une mélodie envoûtante nous projette dans un univers  où se croisent vie et mort, succès et échec, l’apogée et le déclin.

Ro-oua est cet homme, cet artiste couronné, adulé et constamment sollicité par son peuple. Obligé de faire toujours plus,  toujours mieux sans jamais faillir, sans jamais se reposer. Il n’en a pas le droit même quand il ne peut plus se tenir debout pour chanter, même quand il n’a plus de souffle pour siffler. Odile nous entraîne dans un parcours artistique fait de hauts et de bas, de doutes mais aussi de certitudes, de joies, de réussites et de déchéances. L’artiste est exploité à fond, sucé jusqu’à la moelle des os. Vidé de ses eaux, il tombe finalement dans l’oubli.

Le spectacle, si beau, nous questionne tous sur notre propre engagement aujourd’hui, en tant qu’hommes d’abord et citoyens ensuite. Et il n’en reste qu’encore plus beau, plus vrai et plus près dès lors que cette comédienne qui a su porter et assumer jusqu’au bout ce personnage, l’a porté dans sa chair, dans son sang, dans sa vérité  première à elle qui est d’être une femme artiste d’ici, nourrie, bâtie, élevée de valeurs qui tissent l’ici, et qui donne ce qu’elle a de propre d’elle, à la diversité culturelle.

Issa Mossi & Bello Marka

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